Le royaume du blé
Coll. A. P.-R.
Abbé Ferdinando Galiani
Dialogues sur le commerce des bleds
1770
Coll. A.P.-R.
En Beauce, bonne terre et mauvais chemin,
prétend un dicton autrefois très populaire, qui pourrait s’appliquer à bien des contrées au sol gras et fertile (1).
Le site conditionne en partie l’habitat. Le lien est avéré. Comme l’explique Vidal de La Blache, « L'analogie des conditions de sol, d'hydrographie, de climat, fait qu'un type d'établissement, une fois implanté dans une contrée, y devient dominant, par la nécessité qui pousse les cohabitants à s'adapter les uns aux autres. C'est un phénomène d'accommodation réciproque. Les relations quotidiennes et multiples qui naissent entre habitants d' une même contrée ne permettaient guère, autrefois surtout, de se départir des types de groupement et d'habitat qui correspondent au genre de vie dominant. Dans les pays de grande culture de céréales, la simultanéité des travaux, l’usage des mêmes pistes imposaient un même mode de groupement pour arriver en temps utile aux parcelles à travailler ; le paiement s'y faisant en nature, la maison du salarié aussi bien que celle du fermier ou propriétaire, devait être aménagée en vue de ce qu'elle devait contenir. » (2) En Beauce, ……… Mais les fermes n’étaient, semble-t-il, pas toutes aussi cossues. À son époque, Honoré de Balzac en évoque de misérables : « Après le passage de cette célèbre rivière, le désordre ne fut pas moindre. Je sortais tranquillement, tout seul, sans vivres, des marais de Zembin, et j'allais cherchant une maison où l'on voulût bien me recevoir. N'en trouvant pas, ou chassé de celles que je rencontrais, j'aperçus heureusement, vers le soir, une mauvaise petite ferme de Pologne, de laquelle rien ne pourrait vous donner une idée, à moins que vous n'ayez vu les maisons de bois de la Basse-Normandie ou les plus pauvres métairies de la Beauce. Ces habitations consistent en une seule chambre partagée dans un bout par une cloison en planches, et la plus petite pièce sert de magasin à fourrages. » (3)
Au tournant du XXe siècle, les maisons conservaient leur aspect traditionnel. Faute de pierres, pisé et torchis restaient les matériaux privilégiés, et le toit de chaume était encore de règle. « Les contrastes sont visibles et persistent plus qu'on n' est porté à le croire entre les régions où la pierre abonde et celles où elle manque. Le temps est passé, il est vrai, où, dans les sables et tourbières de la plaine germanique, des chaussées de bois, pontes longi, tenaient lieu de routes. Mais ces matériaux de fortune, pisé ou terre mélangée de paille hachée, terre et cailloux roulés en couches alternantes, limon avec soubassement de silex, loess et entrecroisements de poutres, représentent des combinaisons variées pour suppléer à la pierre de taille. Ainsi, la Beauce, terre de limon, s'obstine à conserver ses maisons en pisé à toit de chaume. » (4)
Sans doute, la terre étant précieuse, ne fallait-il pas perdre une once cultivable… Pour cela, besoin était de limiter les voies de communication inutiles. « En Beauce, de grandes routes, mais pas de sentiers. Cela ne veut pas dire que les routes soient incapables de faire naître des villages. La nomenclature topographique en fait foi. » (5) En outre, pour gagner en sol labourable, l’arbre fut voué à une élimination systématique. « La Beauce elle-même, sans les allées qui bordent ses grandes routes, ne connaîtrait d' arbres que sur la lisière qui assombrit sa périphérie. » (6) Il est vrai que, sur ce sol limoneux, la masse forestière a toujours été minime et s’est contentée de boqueteaux, garennes ou buissons. Une dissémination de touffes boisées qu’exaltent des horizons sans fins ; « parfois, au milieu des champs, quelques carrés de bois qui servent de retraite au gibier ; puis, partout, ces lignes sans fin, grises ou jaunâtres, particulières aux horizons de la Sologne, de la Beauce et du Berri. », commente Balzac (7).
« Ce Pays de Beauce renferme, selon sa réputation, la fine fleur de l'agriculture française ; sol excellent, mais partout des jachères. » Arthur Young (8).
(1) G. Duplessis, La Fleur des Proverbes Français, Passard Libraire-Éditeur, Paris, 1851 : « Partout, où se trouve un terroir gras et fertile, le sol retient longtemps l’humidité dont il est pénétré, ce qui contribue à sa fécondité ; mais, on comprend qu’en même temps les routes, placées sous les mêmes conditions, sont peu commodes à parcourir. Au reste les grandes routes telles qu’on les constitue actuellement, et les chemins de fer surtout, ont déjà porté une grave atteinte à l’ancienne véracité de ce proverbe. »
(2) Tableau de la géographie de la France, Hachette, Paris, 1908.
(3) Études de mœurs, 1er livre, Scènes de la vie privée, t. 2, Autre étude de femme, Furne, Paris, 1842-1848.
Tableau de la géographie de la France, Hachette, Paris, 1908.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) Études de mœurs, 1er livre, Scènes de la vie privée, t. 3, La femme de trente ans, Furne, Paris, 1842-1848.
(8) Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789, édition de 1882, Guillaumin et Cie, Libraires, traduction de M. H. J. Lesage.
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